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Tôles fortes - HP 2020 IN
Énoncé des motifs - ouverture d’une enquête

De l’ouverture d’une enquête sur le dumping des tôles fortes en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de l’Allemagne, de la Malaisie, de la Corée du Sud et de la Turquie.

Décision

Ottawa, le 11 juin 2020

Le 27 mai 2020, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable de certaines tôles fortes d’acier au carbone et tôles fortes d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de l’Allemagne, de la Malaisie, de la Corée du Sud et de la Turquie.

Sur cette page

Résumé

[1] Le 6 avril 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu une plainte écrite d’Algoma Steel Inc. (ci-après « la plaignante » ou Algoma), comme quoi les importations de certaines tôles fortes d’acier au carbone et tôles fortes d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud (tôles fortes), du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de la République fédérale d’Allemagne (Allemagne), de la République de Corée (Corée du Sud), de la Fédération de Malaisie (Malaisie) et de la République de Turquie (Turquie) (ci-après « les sources visées »), sont sous-évaluées. La plaignante allègue que ce dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale (canadienne).

[2] Le 27 avril 2020, conformément à l’alinéa 32(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a informé la plaignante que son dossier de plainte était complet. Elle a aussi envoyé un avis en ce sens aux gouvernements du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de l’Allemagne, de la Malaisie, de la Corée du Sud et de la Turquie.

[3] La plaignante a fourni des éléments de preuve à l’appui de l’allégation de dumping des tôles fortes en provenance des sources visées. Les éléments de preuve indiquent aussi, de façon raisonnable, que le dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

[4] Enfin, le 27 mai 2020, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert une enquête sur le dumping des tôles fortes en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de l’Allemagne, de la Malaisie, de la Corée du Sud et de la Turquie.

Contexte

[5] Il s’agit de la première plainte déposée auprès de l’ASFC qui concerne les tôles fortes; cependant, huit plaintes ont été déposées par le passé à l’égard des tôles d’acier. Les mesures découlant de quatre des huit enquêtes demeurent en vigueur. Voici un bref historique des huit enquêtes antérieures sur les tôles.

[6] Tôles 1 : Le 6 mai 1993, dans l’enquête NQ-92-007, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a jugé que les importations sous-évaluées du Royaume de Belgique, de la République fédérative du Brésil (Brésil), de la République tchèque, du Royaume du Danemark (Danemark), de l’Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni et de l’ex-République yougoslave de Macédoine ont causé un dommage à la production de tôles au Canada. Le 5 mai 1998, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-97-006, le TCCE a conclu que le dumping en provenance des pays visés ne risquait pas de reprendre et a donc annulé ses conclusions.

[7] Tôles 2 : Le 17 mai 1994, dans l’enquête NQ-93-004, le TCCE a jugé que les importations sous-évaluées de la République italienne (Italie), de la Corée du Sud, du Royaume d’Espagne et de l’Ukraine ont causé un dommage à la production de tôles au Canada. Le 17 mai 1999, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-98-004, le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant ses conclusions. Le 17 mai 2004, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2003-001, il a conclu que l’expiration de son ordonnance ne risquait pas de causer un dommage sensible à la branche de production nationale à court et moyen terme et a donc annulé son ordonnance à l’égard des pays visés.

[8] Tôles 3 : Le 27 octobre 1997, dans l’enquête NQ-97-001, le TCCE a jugé que les importations sous-évaluées des États-Unis du Mexique (Mexique), de la République populaire de Chine (Chine), de la République sud-africaine (Afrique du Sud) et de la Fédération de Russie (Russie) menaçaient de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Le 10 janvier 2003, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2001-006, le TCCE a prorogé ses conclusions à l’égard de la Chine, de l’Afrique du Sud et de la Russie et a annulé ses conclusions à l’égard du Mexique. Le 9 janvier 2008, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2007-001, il a prorogé son ordonnance à l’égard de la Chine et a annulé son ordonnance à l’égard de l’Afrique du Sud et de la Russie. Le 8 janvier 2013, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2012-001, il a prorogé son ordonnance à l’égard de la Chine. Enfin, le 9 août 2018, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2017-004, il a de nouveau prorogé son ordonnance à l’égard de la Chine.

[9] Tôles 4 : Le 27 juin 2000, dans l’enquête NQ-99-004, le TCCE a jugé que les importations sous-évaluées du Brésil, de la République de Finlande, de la République de l’Inde (Inde), de la République d’Indonésie (Indonésie), du Royaume de Thaïlande (Thaïlande) et de l’Ukraine et les importations subventionnées de l’Inde, de l’Indonésie et de la Thaïlande ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Le 27 juin 2005, dans le réexamen relatif à l’expiration RR-2004-004, le TCCE a conclu que l’expiration des conclusions ne risquait pas de causer un dommage sensible à la branche de production nationale à court et moyen terme et a donc annulé ses conclusions à l’égard des pays visés.

[10] Tôles 5 : Le 9 janvier 2004, dans l’enquête NQ-2003-002, le TCCE a jugé que les importations sous-évaluées de la République de Bulgarie (Bulgarie), de la République tchèque et de la Roumanie ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Le 8 janvier 2009, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2008-002, le TCCE a prorogé ses conclusions à l’égard des pays visés. Le 7 janvier 2014, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2013-002, il a prorogé son ordonnance à l’égard des pays visés. Enfin, le 31 octobre 2019, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2018-007, il a de nouveau prorogé son ordonnance à l’égard des pays visés.

[11] Tôles 6 : Le 2 février 2010, dans l’enquête NQ-2009-003, le TCCE a jugé que les importations sous-évaluées de l’Ukraine n’ont pas causé un dommage, mais menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Le 30 janvier 2015, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2014-002, le TCCE a prorogé ses conclusions à l’égard du pays visé.

[12] Tôles 7 : Le 20 mai 2014, dans l’enquête NQ-2013-005, le TCCE a jugé que les importations sous-évaluées du Brésil, du Danemark, de l’Indonésie, de l’Italie, du Japon et de la Corée du Sud n’ont pas causé un dommage, mais menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Le 13 mars 2020, par suite du réexamen relatif à l’expiration RR-2019-001, le TCCE a prorogé ses conclusions à l’égard des pays visés.

[13] Tôles 8 : Le 6 janvier 2016, dans l’enquête NQ-2015-001, le TCCE a jugé que les importations sous-évaluées de l’Inde et de la Russie et les importations subventionnées de l’Inde n’ont pas causé un dommage et ne menaçaient pas de causer un dommage à la branche de production nationale.

[14] En résumé, quatre conclusions et ordonnances qui concernent les tôles sont actuellement appliquées par l’ASFC : Tôles 3 à l’égard de la Chine; Tôles 5 à l’égard de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie; Tôles 6 à l’égard de l’Ukraine; Tôles 7 à l’égard du Brésil, du Danemark, de l’Indonésie, de l’Italie, du Japon et de la Corée du Sud. L’ASFC souligne qu’il y a un chevauchement entre les marchandises dans Tôles 7 et les tôles fortes en ce qui concerne la Corée du Sud; toutefois, les tôles de la Corée du Sud qui sont assujetties aux conclusions dans Tôles 7 sont exclues de la présente enquête sur les tôles fortes.

[15] En plus des cas antidumping ci-dessus, le 13 mai 2019, le gouvernement du Canada a pris des mesures de sauvegarde définitives à l’égard des importations de tôles fortes, qui couvrent un sous-ensemble des tôles fortes correspondant à la définition des marchandises en cause. La Corée du Sud est exclue de ces mesures de sauvegarde.

Parties intéressées

Plaignante

[16] Algoma est un important producteur de fer et d’acier établi à Sault Ste. Marie (Ontario), qui a entamé la production d’acier en 1902.

[17] L’adresse de la plaignante est la suivante :

Algoma Steel Inc.
105, rue West
Sault Ste. Marie (Ontario)  P6A 7B4

[18] Les autres fabricants de marchandises similaires au Canada sont : Janco Steel Ltd. (Janco), SSAB Central Inc. (SSAB), Samuel, Son & Co., Ltd. (Samuel), Tidy Steel-Fab Ltd. (Tidy) et Varsteel Ltd. (Varsteel). Les adresses de ces fabricants sont les suivantes :

Entreprise Adresse
Janco Steel Ltd.

925, avenue Arvin
Stoney Creek (Ontario)  L8E 5N9

SSAB Central Inc.

1051, chemin Tapscott
Scarborough (Ontario)  M1X 1A1

Samuel, Son & Co.

410, chemin Nash Nord
Hamilton (Ontario)  L8H 7R9

Tidy Steel-Fab Ltd.

44313 Progress Way
Chilliwack (Colombie-Britannique)  V2R 0L1

Varsteel Ltd.

220, 4e Rue Sud
Lethbridge (Alberta)  T1J 4J7

Syndicat

[19] La plaignante a répertorié un syndicat qui représente des personnes employées dans la production de tôles fortes au Canada :

Syndicat des Métallos
234, avenue Eglinton Est, 8e étage
Toronto (Ontario) M4P 1K7

Exportateurs

[20] L’ASFC a recensé 36 exportateurs potentiels des marchandises en cause à partir de ses propres documents d’importation et des renseignements présentés dans la plainte. Elle a adressé à tous ces exportateurs une demande de renseignements (DDR) en dumping.

Importateurs

[21] L’ASFC a recensé 34 importateurs potentiels des marchandises en cause à partir de ses propres documents d’importation et des renseignements présentés dans la plainte. Elle a adressé à tous ces importateurs une DDR.

Gouvernement

[22] À l’ouverture de la présente enquête, l’ASFC a adressé au gouvernement de la Turquie une DDR concernant la situation particulière du marché.

[23] Aux fins de la présente enquête, le gouvernement de la Turquie englobe tous les ordres de gouvernement : gouvernements fédéral, central, provinciaux/d’États, régionaux; municipalités (villes, cantons, villages, collectivités locales); autorités législatives, administratives ou judiciaires; indépendamment du fait que ceux-ci soient individuels ou collectifs, élus ou nommés. Le terme englobe aussi toute personne, tout organisme, toute entreprise ou tout établissement agissant pour le gouvernement central de ce pays ou ses gouvernements/administrations provinciaux, d’États, municipaux, locaux ou régionaux, ou encore sous leur autorité ou au titre de leurs lois.

Les produits

Définition

[24] Aux fins de la présente enquête, les marchandises en cause sont définies comme suit :

Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur plus grande que 72 pouces (+/- 1 829 mm) à 152 pouces (+/- 3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,375 pouce (+/- 9,525 mm) jusqu’à 4,5 pouces (114,3 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes afin de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables), à l’exclusion :

  • des tôles en bobines,
  • des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »),
  • et des tôles originaires ou exportées de la République de Corée qui sont couvertes par les conclusions du Tribunal canadien du commerce extérieur dans NQ-2013-005.

Il demeure entendu que les marchandises en cause incluent des tôles d’acier qui contiennent de l’acier allié en plus grande quantité que ce qui est toléré selon les normes de l’industrie à condition que l’acier ne réponde pas aux exigences des normes de l’industrie en matière de nuance d’alliage de tôle d’acier.

Précisions

[25] Les tôles sont produites selon des nuances et des normes spécifiques. Ces nuances et normes sont destinées à des utilisations finales spécifiques. Les normes communes comprennent celles de l’American Society for Mechanical Engineers (ASME) et de l’American Society for Testing and Materials (ASTM). Par exemple, les normes ASTM/ASME A36, A283, A573 ou A709 peuvent être destinées aux tôles de construction, qui sont utilisées dans diverses applications de construction. Les tôles répondant aux normes A515 et A516M/A516, nuance 70, servent à la construction d’appareils sous pression, qui contiennent des gaz ou des liquides sous haute pression.

[26] Les tôles de qualité pour appareils sous pression peuvent être dégazées sous vide pour obtenir les caractéristiques souhaitées, en particulier une faible teneur en soufre, en carbone et en gaz (H2, N2, 02), une meilleure propreté et une meilleure récupération des ferro-alliages. Ces caractéristiques peuvent être utilisées dans des applications de transport des fluides acides et des applications nécessitant une résistance à la fissuration par l’hydrogène (HIC) et à la fracture à basse température.

[27] Certaines de ces jauges et spécifications, ainsi que des longueurs et largeurs spécifiques, commandent un supplément de prix.

Fabrication

[28] Bien que les détails puissent varier d’une usine à l’autre, le procédé par lequel les tôles d’acier au carbone sont fabriquées est essentiellement le même pour tous les producteurs à l’échelle mondiale et comporte les étapes suivantes :

  • chauffage des brames avant le laminage
  • décalaminage
  • laminage
  • dressage
  • coupe aux dimensions voulues
  • inspection et tests
  • expédition

[29] Chez Algoma, les brames sont placées dans des fours de réchauffage, acheminées progressivement et chauffées à environ 1 300 °C (2 370 °F) avant leur déchargement, puis décalaminées par des jets d’eau à haute pression. La première réduction de l’épaisseur de l’acier est effectuée dans le dégrossisseur, où la brame est réduite en épaisseur, selon l’épaisseur finale spécifiée de la tôle.

[30] Les tôles plus épaisses (c.-à-d. de ⅜ pouce et plus) sont acheminées directement dans le laminoir à tôles fortes de 166 pouces, où elles sont réduites à leur épaisseur finale, puis dressées et envoyées à l’aire de finition des tôles, où elles sont calibrées, refendues, coupées à la longueur spécifiée (par découpage ou oxycoupage), testées et expédiées.

[31] Dans le cas des tôles plus légères, le laminoir à tôles fortes de 166 pouces sert de dégrossisseur, et la brame allongée est acheminée au laminoir de bandes larges de 106 pouces, où elle est réduite à son épaisseur finale en six opérations, puis embobinée. Les bobines sont acheminées à la chaîne de finition no 1, où elles sont déroulées, dressées, coupées à la longueur spécifiée, testées, regroupées et expédiées.

[32] Séparément, certains centres de service exploitent des chaînes de coupe à longueur qui coupent les tôles à partir de bobines.

Utilisation

[33] Les marchandises en cause et les marchandises similaires sont utilisées dans de nombreuses applications et plus communément pour la fabrication de voitures de chemin de fer, de réservoirs de stockage de pétrole et de gaz, de machinerie lourde, d’équipement agricole, de ponts, de bâtiments industriels, de tours de bureaux, de navires et de barges, ainsi que de réservoirs sous pression.

Classement des importations

[34] Les marchandises présumées sous-évaluées sont normalement importées au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  • 7208.51.00.10
  • 7208.51.00.93
  • 7208.51.00.94
  • 7208.51.00.95
  • 7208.52.00.10
  • 7208.52.00.93
  • 7208.52.00.96

[35] Les numéros tarifaires ci-dessus sont fournis à titre purement informatif. Ils n’incluent pas toutes les marchandises en cause, et inversement, ils incluent des marchandises non en cause. Seule la définition du produit fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Marchandises similaires et catégorie unique

[36] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » comme des marchandises identiques aux marchandises en cause ou, à défaut, dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[37] En se penchant sur la question des marchandises similaires, le TCCE tient habituellement compte de divers facteurs, notamment les caractéristiques matérielles des marchandises (comme la composition et l’aspect), leurs caractéristiques de marché (comme l’interchangeabilité, le prix, les réseaux de distribution et les utilisations ultimes), et la question de savoir si les marchandises nationales répondent aux mêmes besoins des clients que les marchandises en cause.

[38] La plaignante affirme que les tôles fortes produites au pays sont des marchandises similaires aux marchandises en cause puisque les tôles fortes produites au pays et les marchandises en cause sont des produits de base se faisant directement concurrence sur le marché canadien, par l’intermédiaire des mêmes réseaux de distribution, et qu’elles sont tout à fait interchangeables. Par ailleurs, la plaignante soutient que les marchandises en cause constituent une catégorie unique de marchandises. Elle cite les décisions du TCCE dans Tôles 5 et Tôles 7 à l’appui de sa positionNote de bas de page 1. L’ASFC souligne que, même si les dimensions des tôles fortes en cause diffèrent de celles des marchandises assujetties aux conclusions antérieures concernant les tôles, elle juge que ces décisions sont pertinentes pour les tôles fortes.

[39] Après avoir étudié les questions d’utilisation, les caractéristiques matérielles et tous les autres facteurs pertinents, l’ASFC est d’avis que les tôles fortes produites au pays, qui sont de même description que les marchandises en cause, sont des marchandises similaires aux marchandises en cause et que les marchandises en cause et les marchandises similaires constituent une catégorie unique de marchandises.

Branche de production nationale

[40] La plainte contient des données sur les ventes et la production canadiennes de tôles fortes pour consommation intérieure.

[41] La plainte contient des lettres d’appui de la part de Janco et de SSABNote de bas de page 2.

[42] La plaignante et les producteurs appuyant la plainte assurent la plus grande partie de la production canadienne de marchandises similaires.

Conditions d’ouverture

[43] Le paragraphe 31(2) de la LMSI prescrit que les conditions suivantes doivent être réunies pour ouvrir une enquête :

  1. la plainte doit être appuyée par des producteurs nationaux dont la production représente plus de 50 % de la production globale de marchandises similaires par les producteurs nationaux qui appuient la plainte ou s’y opposent;
  2. la production des producteurs nationaux qui appuient la plainte doit représenter 25 % ou plus de la production globale de marchandises similaires par la branche de production nationale.

[44] Puisque la plaignante et les producteurs appuyant la plainte assurent la plus grande partie de la production canadienne globale de marchandises similaires, l’ASFC est convaincue que les conditions d’ouverture prévues au paragraphe 31(2) de la LMSI sont réunies.

Marché canadien

[45] La plainte inclut la production annuelle de marchandises similaires de la plaignante, de Janco et de SSAB ainsi que des estimations de la production des autres producteurs nationaux pour 2019.

[46] La plaignante a estimé, à l’aide des données de Statistique Canada, le volume total des importations de tôles fortes originaires de toutes les sources pour la période de 2016 à 2019. Les numéros de classement tarifaire pour les tôles fortes comprennent des marchandises en cause et non en cause à la fois. C’est pourquoi la plaignante a fait un certain nombre de rectifications pour éliminer les tôles fortes non en cause. Les rectifications les plus importantes concernent l’élimination des tôles d’une épaisseur de moins de 0,375 pouceNote de bas de page 3.

[47] L’ASFC a effectué une analyse des importations de tôles fortes à partir des documents d’importation réels et des renseignements commerciaux fournis par la plaignante.

[48] L’examen des données sur les importations de l’ASFC révèle des tendances semblables à celles présentées dans la plainte en ce qui concerne la proportion relative de marchandises en cause importées de chacune des sources visées. L’ASFC souligne qu’il existe des écarts entre les volumes qu’elle a estimés et ceux que la plaignante a estimés. Comme nous l’avons vu, les estimations de la plaignante se fondent sur les renseignements publiés par Statistique Canada, qui ne tiennent pas compte des volumes d’importation de tôles fortes correspondant à la définition des marchandises en cause.

[49] Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail du volume et de la valeur des importations et de la production nationale de tôles fortes. Cela dit, l’ASFC donne dans le tableau suivant la distribution des importations telle qu’estimée par elle-même.

Tableau 1
distribution des importations, telle qu’estimée par l’ASFC
(en termes de volume)
Source d’origine ou d’exportation 2017 2018 2019
Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois) 3,0 % 5,5 % 4,9 %
Allemagne 3,4 % 8,4 % 17,4 %
Malaisie 4,9 % 2,5 % 4,5 %
Corée du Sud 3,8 % 8,8 % 2,9 %
Turquie 10,6 % 15,0 % 7,8 %
Total des importations des sources visées 25,7 % 40,2 % 37,5 %
Autres pays 74,3 % 59,8 % 62,5 %
Total des importations 100 % 100 % 100 %
*Les totaux pourraient n’être pas de 100 % puisqu’il s’agit de pourcentages arrondis.

[50] L’ASFC va continuer de recueillir et d’analyser des données sur le volume des importations dans la période visée par l’enquête (PVE), soit du 1er mars 2019 au 29 février 2020, à la phase préliminaire de l’enquête sur le dumping, et elle affinera ces estimations.

[51] En vertu du paragraphe 35(1) de la LMSI, le président est tenu de mettre fin à l’enquête avant de rendre une décision provisoire si le volume réel ou potentiel des marchandises importées est négligeable.

[52] Au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI, « négligeable » se dit du volume de marchandises importées d’un pays donné s’il représente moins de 3 % du volume total des marchandises de même description dédouanées au Canada en provenance de tous pays.

[53] L’ASFC souligne que, pour la Corée du Sud, les données dans le tableau ci-dessus semblent indiquer que le volume de marchandises sous-évaluées est négligeable puisqu’il représente moins de 3 % du total des importations. Par conséquent, l’ASFC va continuer de recueillir et d’analyser des renseignements sur le volume des importations de toutes les sources à la phase préliminaire de l’enquête et, si les éléments de preuve semblent toujours indiquer que le volume de marchandises sous-évaluées en provenance de la Corée du Sud est négligeable, elle mettra fin à l’enquête à l’égard de ce pays.

[54] En raison de la pandémie de COVID-19, l’ASFC a limité les échanges avec les intervenants aux fins de vérification de la conformité des importations. Elle n’a donc pas demandé de déclarations des importateurs, ce qui a limité l’analyse des importations.

[55] L’ASFC souligne que les États-Unis sont à l’origine de la plus grande partie des importations de tous les autres pays chaque année. De plus, d’après les données de l’ASFC, les importations des États-Unis semblent être vendues à des prix semblables à ceux de la plaignante.

Preuves de dumping

[56] La plaignante allègue que les tôles fortes en provenance du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de l’Allemagne, de la Malaisie, de la Corée du Sud et de la Turquie ont fait l’objet d’un dumping dommageable au Canada. Il y a dumping lorsque la valeur normale des marchandises dépasse le prix à l’exportation fait aux importateurs au Canada.

[57] La valeur normale sera généralement, soit le prix de vente intérieur des marchandises similaires dans le pays exportateur si le marché y est soumis au jeu de la concurrence, soit la somme du coût de production des marchandises, d’un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente (FFAFV), et d’un autre pour les bénéfices.

[58] La plaignante allègue qu’une situation particulière du marché pourrait exister en Turquie, laquelle ne permet pas une comparaison utile de la vente de marchandises similaires avec la vente des marchandises faite à l’importateur au Canada, comme il est décrit à l’alinéa 16(2)c) de la LMSI. C’est pourquoi Algoma soutient que les valeurs normales pour la Turquie ne devraient pas être estimées selon la méthode prévue à l’article 15 de la LMSINote de bas de page 4.

[59] Le prix à l’exportation des marchandises vendues aux importateurs au Canada est la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix d’achat de l’importateur, moins tous les frais découlant de l’exportation des marchandises.

[60] Un examen des estimations des valeurs normales et des prix à l’exportation de la plaignante et de l’ASFC suit.

Valeurs normales

Estimations de la plaignante

[61] La plaignante n’a pas fourni d’estimations des valeurs normales selon l’article 15 de la LMSI. Elle explique que les meilleurs renseignements disponibles pour estimer les valeurs normales selon l’article 15 sont les données sur les prix propres aux sources de MEPS. Ces données sur les prix sont disponibles pour toutes les sources visées, à l’exception de la Malaisie. Cependant, d’après la plaignante, les données de MEPS ne sont pas appropriées pour l’estimation des valeurs normales puisqu’elles tiennent seulement compte des produits de base, qu’elles pourraient comprendre des marchandises non en cause et qu’elles donnent seulement le prix le plus élevé et le plus basNote de bas de page 5.

[62] Par conséquent, la plaignante a estimé les valeurs normales selon la méthode de coût reconstitué prévue à l’alinéa 19b) de la LMSI. Elle a fondé ses estimations sur ses propres coûts de production et les renseignements publics disponibles concernant les coûts et les prix de chacune des sources visées.

[63] La plaignante allègue qu’une situation particulière du marché existe sur le marché des tôles fortes en Turquie. En particulier, s’appuyant sur des renseignements fournis dans la plainte, elle soutient qu’en vertu du paragraphe 11.2(2) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI), une telle situation existe en Turquie puisque le coût de production des producteurs et exportateurs turcs ne reflète pas de façon raisonnable leur coût réel. Toutefois, aux fins de la plainte, elle a estimé les valeurs normales pour la Turquie d’une façon semblable à celle employée pour les autres sources visées, soit à partir des renseignements sur ses propres coûts, rectifiés pour tenir compte des conditions prévalant dans les sources visées.

[64] Une valeur normale a été estimée par trimestre pour les tôles fortes provenant de chacune des sources visées, en fonction de la somme des coûts de production des marchandises (matières, main-d’œuvre et frais généraux), d’un montant raisonnable pour les FFAFV et d’un autre pour les bénéfices.

[65] Les coûts des matières ont été estimés à partir des coûts des matières de la plaignante. Pour le minerai de fer, le coût des matières a été rectifié pour tenir compte de la différence entre le coût du minerai de fer d’Algoma pour un trimestre donné et le prix du minerai de fer à 62 % selon Iodex de Platts. D’après la plaignante, le prix du minerai de fer à 62 % selon Iodex de Platts représente le mieux le prix mondial du minerai de fer pour la production d’acier. Aucune rectification n’a été faite aux coûts de la plaignante pour le charbon ou les autres matièresNote de bas de page 6.

[66] Les coûts de main-d’œuvre ont été estimés à partir des propres coûts de la plaignante associés à la production de marchandises similaires et rectifiés pour refléter les coûts de main-d’œuvre dans les sources visées. Cette rectification a été appliquée aux coûts en fonction des renseignements disponibles publiés par Trading EconomicsNote de bas de page 7.

[67] En ce qui concerne la Turquie, la plaignante soutient que les renseignements sur la main-d’œuvre disponibles pour ce pays sont insuffisants aux fins d’estimation des valeurs normales. En particulier, elle souligne que les renseignements disponibles pour la Turquie sont indexés sur une année antérieure, sans donner les salaires de cette année. Par ailleurs, elle indique que seuls les salaires minimaux sont publiés, lesquels ne reflètent pas bien les taux de main-d’œuvre du secteur manufacturier.

[68] La plaignante soutient que les renseignements sur la main-d’œuvre turque ne devraient pas être utilisés, et que la République tchèque serait un bon pays de remplacement pour les données sur les coûts de main-d’œuvre. Elle soutient que la République tchèque est un pays de remplacement raisonnable puisque les deux pays sont situés dans la zone euro, qu’ils ont un produit intérieur brut (PIB) par habitant nettement inférieur à celui de l’Allemagne, de la France et d’autres grandes économies européennes, et que leur PIB par habitant est relativement semblable. Enfin, la plaignante fait valoir que, selon le taux de rectification, il s’agit probablement d’une estimation prudente.

[69] La rectification des taux de main-d’œuvre a été calculée pour chaque trimestre. Les rectifications, qui sont exprimées en pourcentage du taux de main-d’œuvre canadien, se ventilent comme suit :

  • Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois) – rectification à la baisse de 49,8 %, à 68,6 %
  • Allemagne – rectification à la hausse de 143,3 %, à 146,9 %
  • Corée du Sud – rectification à la hausse de 106,7 %, à 113,0 %
  • Malaisie – rectification à la baisse de 28,4 %, à 29,8 %
  • Turquie – rectification à la baisse de 45,9 %, à 49,0 %

[70] Les frais généraux se fondent sur les frais généraux des usines de la plaignante, une rectification ayant été appliquée à la portion des frais généraux liée aux coûts de main-d’œuvre indirects pour chaque source viséeNote de bas de page 8.

[71] La plaignante a estimé un montant pour les FFAFV et les frais financiers et un autre pour les bénéfices à partir des états financiers publics des producteurs de tôles dans les sources visées.

[72] Pour le Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), la plaignante a utilisé les montants publiés par China Steel Corp. dans ses états financiers annuels.

[73] Pour l’Allemagne, la plaignante a utilisé les montants pour les FFAFV et les frais financiers publiés par le producteur d’acier allemand, Salzigitter Group, et rectifiés pour tenir compte des différences dans les méthodes d’établissement des rapports financiers. Dans la PVE, Salzgitter Group a fait état d’un revenu net négatif. La plaignante soutient qu’il n’est pas raisonnable d’utiliser un montant négatif pour estimer les valeurs normales. C’est pourquoi elle a appliqué un montant pour les bénéfices de 5 % aux fins d’estimation des valeurs normales pour l’Allemagne. Elle cite les taux de rendement de divers investissements pour appuyer l’utilisation du taux de 5 %.

[74] Pour la Corée du Sud, la plaignante a utilisé les montants publiés dans les états financiers de Hyundai Steel, un producteur de tôles établi en Corée du Sud.

[75] La plaignante soutient ne pas avoir pu obtenir de renseignements financiers publics pour les producteurs de tôles en Malaisie. Par conséquent, elle a utilisé les données sur les FFAFV et les frais financiers de Malaysia Steel Works, un producteur malaisien de billettes et de barres en acier. Puisque ce producteur a fait état d’un bénéfice négatif dans la PVE, la plaignante a appliqué le montant pour les bénéfices qui a été constaté pour le Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois).

[76] Pour la Turquie, la plaignante a utilisé les données d’Ereğli Demir ve Çelik Fabrikaları T.A.Ş, un producteur de tôles établi en Turquie. Les montants pour les FFAFV et les frais financiers ainsi que ceux pour les bénéfices sont exprimés en pourcentage du coût des marchandises fabriquées.

Estimations de l’ASFC

[77] L’ASFC a examiné les arguments de la plaignante concernant l’utilisation des renseignements sur les prix intérieurs de MEPS. D’après les renseignements fournis, elle juge que les arguments de la plaignante sont raisonnables.

[78] Faute de renseignements sur les prix propres aux tôles fortes dans les sources visées, l’ASFC n’a pas pu estimer les valeurs normales selon la méthode décrite à l’article 15 de la LMSI.

[79] Au sujet des allégations de la plaignante concernant l’existence d’une situation particulière du marché en Turquie, l’ASFC va tâcher de recueillir des renseignements supplémentaires auprès des exportateurs et d’autres sources d’information pertinentes pour pouvoir déterminer si une telle situation existe sur le marché intérieur des tôles fortes en Turquie et si les ventes intérieures dans ce pays permettent une comparaison utile avec la vente faite à l’importateur au Canada. Aux fins d’ouverture de l’enquête, l’ASFC a estimé les valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSI.

[80] L’ASFC souligne que les valeurs normales estimées par la plaignante ne sont pas très spécifiques. Même si ces valeurs normales ne tiennent pas compte de toutes les caractéristiques du produit, ce qui pourrait avoir une incidence sur le coût et/ou le prix des tôles fortes, elle reconnaît également que l’approche est raisonnable compte tenu des renseignements dont la plaignante disposait. L’ASFC juge raisonnable de supposer que les marchandises en cause expédiées au Canada dans la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 refléteraient un mélange de produits s’apparentant à la production de la plaignante pour la période. Par conséquent, elle juge que la valeur normale calculée pour chaque trimestre peut raisonnablement représenter les marchandises en cause expédiées au Canada au cours de cette période. Elle souligne que des renseignements suffisants n’ont pas été fournis avant l’ouverture de l’enquête pour qu’elle puisse se faire une opinion quant à l’existence d’une situation particulière du marché en Turquie.

[81] Après avoir analysé les valeurs normales estimées par la plaignante selon l’alinéa 19b), l’ASFC souligne qu’il y a une erreur dans les formules liées à certains renseignements sur le coût des marchandises fabriquées fournis par la plaignante. Elle a donc corrigé ces valeurs normales. Elle juge que les valeurs normales corrigées estimées selon l’alinéa 19b) sont raisonnables et représentatives compte tenu des renseignements dont la plaignante disposait.

[82] En ce qui concerne le montant pour les bénéfices ayant servi au calcul des valeurs normales pour l’Allemagne, l’ASFC juge que l’estimation de la plaignante n’est pas bien étayée, mais qu’elle pourrait refléter les meilleurs renseignements disponibles. Elle reconnaît qu’il peut être difficile d’obtenir des données financières publiques et qu’il n’est pas raisonnable d’appliquer un montant négatif pour les bénéfices. Par ailleurs, elle juge que l’utilisation de renseignements trouvés pour d’autres pays est compliquée par les différences géographiques et économiques dans ces pays. Enfin, elle juge que le montant pour les bénéfices ayant servi au calcul des valeurs normales pour l’Allemagne est raisonnable compte tenu des renseignements dont la plaignante disposait.

[83] D’après les renseignements dont elle dispose actuellement, l’ASFC juge que la méthode de coût reconstitué proposée par la plaignante représente les meilleurs renseignements disponibles. Par conséquent, seule la rectification susmentionnée a été faite aux estimations des valeurs normales de la plaignante selon l’article 19.

Prix à l’exportation

[84] Le prix à l’exportation de marchandises vendues à un importateur au Canada sera généralement déterminé selon l’article 24 de la LMSI, comme étant la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix auquel l’importateur aura acheté ou convenu d’acheter les marchandises, moins tous les frais, droits et taxes imputables à l’exportation elle-même.

[85] La plaignante a estimé les prix à l’exportation à l’aide des données sur les importations de Statistique Canada au cours de la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019. Pour chaque source visée, elle a estimé un prix à l’exportation par trimestre à partir des renseignements sur la valeur en douane totale déclarée et la quantité totale déclarée pour les codes de classement tarifaire pertinents au cours de cette période.

[86] L’ASFC a estimé les prix à l’exportation trimestriels pour les tôles fortes de chaque source visée à partir de la valeur en douane déclarée sur les documents de déclaration douanière et les rapports produits par le truchement du Système de gestion de l’extraction des renseignements (SGER) à l’égard des importations de marchandises classées sous les codes de classement tarifaire pertinents dans la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019. L’ASFC a examiné les renseignements sur les déclarations commerciales des tôles fortes importées au Canada et a fait des rectifications aux données du SGER pour corriger toute erreur liée à la quantité et à la valeur en douane, au besoin.

Marges estimatives de dumping

[87] Pour estimer les marges de dumping des sources visées, l’ASFC a comparé les valeurs normales estimatives avec les prix à l’exportation moyens pondérés estimatifs. Il ressort de cette analyse que les tôles fortes importées au Canada de chacune des sources visées sont sous-évaluées. Les marges estimatives de dumping sont indiquées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2
Marges estimatives de dumping
Source d’origine ou d’exportation Marge estimative de dumping en % du prix à l’exportation
Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois) 24,9 %
Allemagne 23,3 %
Malaisie 17,2 %
Corée du Sud 16,9 %
Turquie 44,5 %

Situation particulière du marché

[88] L’alinéa 16(2)c) est une disposition de la LMSI que peut appliquer l’ASFC lorsqu’elle est d’avis que les ventes intérieures de marchandises similaires dans le pays d’exportation ne permettent pas une comparaison utile avec les ventes de marchandises faites à l’importateur au Canada en raison de l’existence d’une situation particulière du marché.

[89] En vertu du paragraphe 16(2.1), l’ASFC peut se faire l’opinion que la situation particulière du marché existe à l’égard de toutes marchandises d’un exportateur particulier ou d’un pays particulier.

[90] En pareils cas, l’ASFC n’estimerait pas les valeurs normales selon la méthode prévue à l’article 15 de la LMSI, qui se fonde sur les prix intérieurs. Plutôt, lorsque de tels renseignements sont disponibles, elle tâcherait d’utiliser la méthode de coût reconstitué prévue à l’alinéa 19b).

[91] Dans les cas où l’ASFC est d’avis qu’une situation particulière du marché fausse également le coût des intrants majeurs de production des marchandises, elle utilisera les renseignements qui reflètent le mieux leur coût réel aux fins de comparaison utile, conformément au paragraphe 11.2(2) du RMSI.

[92] Dans les cas où l’ASFC juge qu’il y a des motifs suffisants de croire qu’une situation particulière du marché pourrait exister, elle pourrait demander des renseignements aux exportateurs et, s’il y a lieu, au gouvernement du pays d’exportation et elle pourrait recueillir d’autres renseignements pertinents de façon indépendante afin de se faire une opinion quant à l’applicabilité de l’alinéa 16(2)c).

[93] La plaignante allègue qu’une situation particulière du marché pourrait exister en Turquie, laquelle ne permet pas une comparaison utile des ventes intérieures de tôles fortes en Turquie, ou des coûts des exportations turques, avec les ventes faites à l’importateur au CanadaNote de bas de page 9.

[94] La plaignante soutient qu’une situation particulière du marché existe dès qu’un facteur ou une condition, ou une combinaison de facteurs ou de conditions, font en sorte que les ventes intérieures ne sont pas utiles pour le calcul des marges de dumping, que ces ventes soient faites ou non dans le cours ordinaire des affaires. La plaignante ajoute que le paragraphe 11.2(2) du RMSI précise qu’une situation particulière du marché existe dans les cas où le coût d’acquisition d’un intrant de production de marchandises en cause est faussé. Elle ajoute encore que, même si le concept de situation particulière du marché ne se limite pas à l’influence gouvernementale, le Guide LMSI indique qu’une telle situation peut aussi exister dans les cas où les mesures et politiques du gouvernement d’un pays influencent les prix de vente de sorte qu’elles empêchent une comparaison utile avec les prix intérieurs. Ces mesures et politiques comprennent, d’après la plaignante, la réglementation, les politiques fiscales et les programmes qui influencent les prix intérieurs et les activités des entreprises d’ÉtatNote de bas de page 10.

[95] La plaignante soutient qu’une situation particulière du marché existe en Turquie pour les raisons suivantesNote de bas de page 11 :

  1. Participation du gouvernement dans le marché des tôles de la Turquie
    • Incidence des plans de politique économique du gouvernement sur les prix de vente intérieurs
    • Programmes de soutien du gouvernement
    • Inflation excessive en Turquie
    • Intervention du gouvernement dans la politique monétaire turque et manque d’indépendance de la banque centrale
    • Passage de contrats libellés en devises étrangères à des contrats libellés en livres
    • Influence exercée sur les prix des tôles par les entités contrôlées par l’État, Erdemir et Isdemir
  2. Contraction du marché intérieur turc
  3. Importations à bas prix du substrat

[96] L’ASFC va examiner plus à fond la question de savoir si une situation particulière du marché existe tout au long de l’enquête.

Preuves de dommage

[97] La plaignante allègue, premièrement qu’il y a eu dumping des marchandises en cause, et deuxièmement que ce dumping a causé et menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

[98] La LMSI mentionne le dommage sensible causé aux producteurs nationaux de marchandises similaires au Canada. L’ASFC a conclu que les tôles fortes produites par la branche de production nationale étaient « similaires » aux marchandises en cause.

[99] À l’appui de ses allégations de dommage, la plaignante a présenté des preuves de perte de ventes, de compression et de gâchage des prix, de stagnation de la part de marché, de mauvais résultats financiers et de sous-utilisation de la capacité.

Perte de ventesNote de bas de page 12

[100] La plaignante a présenté des preuves de ventes perdues en fonction d’offres spécifiques. En particulier, la plainte contient de nombreux exemples de ventes que la plaignante a perdues, en entier ou en partie, en raison des importations des marchandises présumées sous-évaluées. Les éléments de preuve comprennent une déclaration détaillée d’un directeur régional des ventes pour Algoma ainsi que des rapports sur les activités d’importation qui appuient les allégations spécifiques de ventes perdues.

[101] D’après son analyse des renseignements détaillant les différentes ventes perdues dans la plainte, ainsi que sa propre estimation des importations et de la part de marché, l’ASFC juge que l’allégation de perte de ventes de la plaignante est raisonnable et bien étayée. Par conséquent, elle est d’avis que ce facteur de dommage est suffisamment étayé et a une corrélation avec le présumé dumping.

Compression et gâchage des prixNote de bas de page 13

[102] La plaignante fait valoir que les marchandises présumées sous-évaluées ont conquis des parts de marché en gâchant les prix des producteurs canadiens. Les données sur les importations estimatives fournies par la plaignante montrent que les prix des marchandises en cause étaient nettement inférieurs à ceux des producteurs canadiens.

[103] La plaignante a aussi donné des exemples spécifiques d’offres de vente où les prix des marchandises en cause étaient inférieurs à ses propres prix. Les prix à l’importation moyens calculés par l’ASFC font ressortir une tendance semblable à celle décrite par la plaignante.

[104] La plaignante affirme qu’en raison de ces écarts de prix importants, elle a dû réduire ses prix. À l’appui de son affirmation, elle a présenté des preuves de plusieurs cas où elle a dû réduire ses prix pour concurrencer des importations des marchandises en cause.

[105] La plaignante allègue aussi que les sources visées étaient les chefs de file des prix à l’importation et qu’elles ont gâché les prix des États-Unis, la principale source des autres importations, en plus de ceux des producteurs nationaux. À l’appui de son allégation, elle a fourni une comparaison des prix des marchandises en cause avec ceux des États-Unis pour montrer que les prix offerts étaient bien en deçà de ceux des importations américaines.

[106] D’après sa propre analyse des prix à l’importation ainsi que des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que l’allégation de compression et de gâchage des prix est étayée et a une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Stagnation de la part de marchéNote de bas de page 14

[107] La plaignante affirme que les sources visées ont augmenté leur part de marché de 2016 à 2019, ce qui a causé un dommage sous forme d’une diminution des revenus, de la rentabilité et de l’utilisation de la capacité. Elle a utilisé les données sur les importations de Statistique Canada et la production nationale pour estimer les parts de marché pour la période de 2016 à 2019.

[108] La plaignante souligne que les mesures antidumping et compensatoires prises par les États-Unis à l’égard des tôles en 2017 et celles prises en vertu de l’article 232 en 2018 ont offert une protection aux producteurs américains, qui ont ainsi pu augmenter leurs ventes intérieures. Cette situation a entraîné une baisse des exportations des États-Unis vers le Canada et, ainsi, une réduction de leur part de marché au Canada. La plaignante affirme qu’elle s’attendait à ce que les importations américaines soient remplacées par des marchandises produites au Canada; toutefois, les exportateurs des marchandises en cause ont tiré parti de ces conditions pour augmenter leur part de marché.

[109] La plaignante a présenté des preuves considérables de ventes perdues en raison des marchandises présumées sous-évaluées. La perte de ces ventes a eu une incidence négative sur la part de marché de la plaignante. Ces renseignements appuient l’allégation de stagnation de la part de marché puisque la présence des marchandises présumées sous-évaluées semble avoir ralenti la croissance de la part de marché de la plaignante.

[110] D’après sa propre analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que la stagnation de la part de marché constitue un facteur de dommage.

Mauvais résultats financiersNote de bas de page 15

[111] La plaignante allègue que l’incidence dommageable des marchandises présumées sous-évaluées est corroborée par les diminutions du revenu net. À l’appui de son allégation, elle a présenté des renseignements financiers pour la période de 2016 à 2019Note de bas de page 16.

[112] Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail des revenus et de la rentabilité. Cependant, l’ASFC a examiné ces renseignements, et elle juge qu’une tendance se dégage en ce qui a trait à l’incidence sur les résultats financiers, laquelle appuie les allégations de la plaignante. D’après les renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge qu’il est raisonnable de supposer que la présence des autres facteurs de dommage aurait une incidence sur les résultats financiers de la branche de production nationale, et que les mauvais résultats financiers de la plaignante ont une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Sous-utilisation de la capacitéNote de bas de page 17

[113] La plaignante affirme que la présence de marchandises sous-évaluées a nui aux taux d’utilisation de la capacité de production des tôles fortes. Elle allègue qu’en raison de la baisse des prix, elle a été incapable d’augmenter la production ou l’utilisation. À l’appui de son allégation, elle a présenté des renseignements sur la production pour la période de 2016 à 2019Note de bas de page 18.

[114] D’après sa propre analyse des renseignements contenus dans la plainte, y compris les renseignements confidentiels sur la production de la plaignante, l’ASFC juge qu’il y a une corrélation raisonnable entre la présence des marchandises présumées sous-évaluées et l’incapacité de la plaignante d’accroître l’utilisation de la capacité pour les tôles fortes.

Conclusion de l’ASFC concernant le dommage

[115] Dans l’ensemble, d’après les renseignements contenus dans la plainte ainsi que les données supplémentaires obtenues au moyen de ses propres recherches, et tirées de ses propres documents douaniers, l’ASFC juge que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause en provenance des sources visées a causé un dommage à la branche de production des tôles fortes au Canada. La nature du dommage subi est bien étayée pour ce qui est de la perte de ventes, de la compression et du gâchage des prix, de la stagnation de la part de marché, des mauvais résultats financiers et de la sous-utilisation de la capacité.

Menace de dommage

[116] La plaignante affirme que les importations des marchandises présumées sous-évaluées menacent de causer encore un dommage sensible à la branche de production nationale. Elle suggère une période de 12 à 24 mois aux fins d’évaluation de la menace de dommageNote de bas de page 19.

[117] La plaignante a fourni les renseignements ci-dessous à l’appui de son affirmation selon laquelle les importations des marchandises en cause menacent de causer encore un dommage à la branche de production nationale.

Faiblesse de la demande en acier et en tôles d’acier dans le mondeNote de bas de page 20

[118] Dans son analyse des conditions du marché international, la plaignante allègue que les perspectives mondiales pour l’acier sont faibles et que le marché des tôles fortes est touché par l’incertitude qui règne dans l’industrie sidérurgique. Elle cite divers rapports publiés par la société de renseignements d’affaires, CRU Group, et par la World Steel Association, qui appuient son allégation selon laquelle l’incertitude et l’inquiétude continuent de régner dans l’ensemble de l’industrie sidérurgique.

[119] La plaignante indique que, malgré la baisse de la croissance de la demande en acier, la production d’acier, en particulier en Chine, a continué de croître, ce qui a entraîné des déséquilibres sur le marché de l’acier chinois. La plaignante allègue que cette situation crée un climat dans lequel l’offre excédentaire encourage l’exportation de produits sidérurgiques à bas prix, ce qui se répercute sur les marchés mondiaux et le Canada.

[120] L’analyse par l’ASFC des renseignements contenus dans la plainte révèle une faiblesse de la demande mondiale en acier et en tôles d’acier. De même, l’ASFC reconnaît que cette situation pourrait inciter les producteurs de tôles fortes dans les sources visées à cibler certains marchés d’exportation, y compris le Canada.

Capacité et production excédentaires dans le mondeNote de bas de page 21

[121] La plaignante cite des renseignements publiés par diverses sources d’information, notamment le Comité de l’acier de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’Association européenne de la sidérurgie (EUROFER) et le Fonds monétaire international (FMI), à l’appui de son allégation de capacité excédentaire mondiale dans l’industrie sidérurgiqueNote de bas de page 22. Elle cite également des données de CRU Group sur la capacité, la consommation et la production mondiales de tôles de laminoirs réversibles, de bobines et de tôles d’acier laminées à chaud de 2017 à 2019 ainsi que des prévisions pour 2020 à 2022Note de bas de page 23. Les données et les prévisions font état d’un excédent considérable de tôles au cours de toutes les années.

[122] La plaignante souligne que la production excédentaire de la Chine est l’un des principaux facteurs contribuant au problème de surcapacité sur le marché mondial des tôles fortes, affirmant que les importations chinoises à bas prix exercent une pression sur les marchés des sources visées, en particulier la Corée du Sud et l’Allemagne, qui sont respectivement les deuxième et quatrième marchés d’exportation des tôles de laminoirs réversibles de la Chine. La plaignante fait valoir que cette situation représente une menace considérable pour elle-même puisque ces pays sont contraints de chercher de nouveaux débouchés pour leurs excédents de tôles fortes. Elle cite en outre une décision rendue par le TCCE en mars 2020 par suite du réexamen relatif à l’expiration dans l’affaire Tôles 7, où le TCCE a souligné que la capacité excédentaire d’acier dans le monde continue de représenter une menace de dommageNote de bas de page 24.

[123] L’ASFC reconnaît que la capacité excédentaire considérable de tôles fortes sur le marché mondial, y compris les sources visées, pourrait entraîner une augmentation considérable des importations des marchandises en cause et représenter une menace pour la branche de production nationale si cette capacité devait être dirigée vers le Canada.

Détérioration du marché de l’acier et de la conjoncture économique en Europe et en AsieNote de bas de page 25

[124] La plaignante allègue que la détérioration du marché de l’acier en Europe amène les producteurs, qui par le passé ont réalisé des ventes en Europe, à chercher d’autres débouchés pour leur production. Elle cite des sources d’information, comme des rapports d’EUROFER, du FMI et de CRU Group, à l’appui de son allégation. Elle affirme que, selon des publications d’EUROFER, les importations d’acier ont inondé le marché de l’Union européenne et ont satisfait à la demande sur ce marché à croissance limitée. Elle allègue que cette situation représente une menace pour le marché canadien des tôles puisque les producteurs des marchandises en cause, en particulier ceux en Allemagne et en Turquie, seront motivés à réaliser plus de ventes à l’exportation.

[125] La plaignante allègue aussi que la demande en Europe et en Asie est faible, et elle cite des prévisions de la production et de la demande en Europe et en Asie, publiées par CRU Group, à l’appui de son allégationNote de bas de page 26. Elle ajoute que la faiblesse de la demande menace le marché intérieur canadien puisqu’elle amènera probablement les exportateurs de l’Europe et de l’Asie à dépendre de plus en plus de marchés d’exportation comme le Canada.

[126] Ayant analysé les renseignements fournis par la plaignante, l’ASFC reconnaît que les conditions du marché et la conjoncture économique en Europe et en Asie pourraient inciter les producteurs de tôles fortes dans les sources visées à cibler certains marchés d’exportation, y compris le Canada.

Conditions du marché dans les sources viséesNote de bas de page 27

[127] La plaignante affirme que les producteurs de tôles fortes dans chacune des sources visées disposent d’une capacité considérable et d’une surproduction persistante, et qu’ils ont une propension à l’exportation. La plaignante a utilisé des renseignements publics pour estimer la capacité de production de tôles fortes de chaque source visée. Pour établir la corrélation entre la capacité de production des marchandises en cause et la probabilité d’exportation vers le Canada, la plaignante a exposé la demande intérieure dans les sources visées, les volumes d’exportation vers d’autres pays, y compris le Canada, et les autres mesures commerciales en vigueur à l’égard de marchandises similaires provenant des sources visées.

[128] Ayant analysé les renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC reconnaît que les conditions du marché dans les sources visées pourraient inciter les producteurs de tôles fortes à cibler certains marchés d’exportation, y compris le Canada.

Mesures commerciales à l’égard des sources viséesNote de bas de page 28

[129] La plaignante affirme que plusieurs pays ont imposé des recours commerciaux à l’égard de marchandises identiques et similaires provenant de certaines sources visées. En particulier, elle soutient que les tarifs sur l’acier en vertu de l’article 232 et les contingents imposés aux États-Unis ont entraîné une baisse des importations de tôles fortes dans ce pays. Elle cite en outre plusieurs mesures antidumping, compensatoires et de sauvegarde prises par d’autres pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à l’égard de produits de tôles fortes provenant des sources visées. Elle allègue que ces mesures commerciales entraîneront probablement le détournement des marchandises en cause vers le marché canadien.

[130] L’ASFC reconnaît que la présence de mesures de recours commerciaux aux États-Unis et dans d’autres pays pourrait encore faire augmenter le volume des importations des marchandises en cause au Canada. Par ailleurs, elle reconnaît que ces restrictions pourraient avoir une incidence considérable sur le marché canadien des tôles fortes.

InvestissementNote de bas de page 29

[131] La plaignante affirme avoir entrepris un plan pour améliorer et moderniser ses installations de production des tôles. Elle compte vendre toute production supplémentaire surtout sur le marché canadien. Elle affirme que ce projet pourrait ne pas réussir et que sa capacité d’obtenir un retour sur l’investissement durable pourrait être diminuée en l’absence des conclusions.

[132] L’ASFC reconnaît que les marchandises présumées sous-évaluées pourraient continuer de nuire aux résultats financiers de la plaignante et, ainsi, influer négativement sur ses activités d’investissement.

Conditions du marché intérieurNote de bas de page 30

[133] Citant des prévisions de la Banque Royale du Canada et des actualités de la Canadian Broadcasting Corporation, la plaignante affirme que l’économie canadienne devrait connaître des difficultés, y compris une récession. D’après les rapports fournis par la plaignante, divers facteurs, y compris la COVID-19, les faibles prix du pétrole et les perturbations du transport ferroviaire, ont créé de l’incertitude, ce qui devrait limiter la croissance économique.

[134] La plaignante décrit le marché canadien des tôles en s’appuyant sur son propre tableau du marché ainsi que des prévisions de CRU Group pour la demande canadienne en tôles et en tôles de laminoirs réversibles.

[135] La plaignante souligne aussi que les prix intérieurs relativement élevés au Canada en font un marché attrayant pour les exportateurs des marchandises en cause. À l’appui de son allégation, la plaignante cite le récent réexamen relatif à l’expiration dans l’affaire Tôles 5, où le TCCE a déclaré que l’annulation de l’ordonnance rendrait le marché canadien attrayant pour les marchandises en question en raison de ses prix élevésNote de bas de page 31. La plaignante ajoute que, dans ce réexamen relatif à l’expiration, le TCCE a jugé que les prix du Midwest américain de CRU Group seraient des prix de remplacement raisonnables pour les modèles d’établissement des prix canadiens. À l’appui de son allégation de prix élevés, la plaignante a fourni des données de CRU Group tirées des perspectives du marché des produits de tôles d’acier, qui indiquent que les prix du Midwest américain étaient supérieurs, et devraient demeurer supérieurs, aux prix d’autres marchés, comme les marchés intérieurs de l’Allemagne, de l’Italie et de la Chine et le marché d’importation de l’Extrême-Orient. La plaignante affirme que ces données semblent indiquer que le marché canadien serait attrayant pour les exportateurs des sources visées en l’absence des conclusions.

[136] L’ASFC reconnaît qu’en raison des conditions de son marché intérieur ouvert aux tôles fortes, le Canada demeure attrayant pour les exportateurs des marchandises en cause, ce qui représente une menace pour les producteurs nationaux.

Conclusion de l’ASFC concernant la menace de dommage

[137] La plainte contient des preuves qui indiquent, de façon raisonnable, l’existence d’une menace de dommage pour la branche de production des tôles fortes au Canada. Les renseignements fournis par la plaignante indiquent que les déséquilibres persistants dans l’industrie sidérurgique mondiale, la capacité excédentaire mondiale, la détérioration des conditions du marché de l’acier et de la conjoncture économique en Europe et en Asie, les conditions du marché dans les sources visées, les mesures commerciales à l’égard des sources visées et les conditions du marché canadien, comme nous l’avons vu, représentent collectivement une menace pour la branche de production canadienne.

Lien de causalité entre le dumping et le dommage

[138] L’ASFC juge que la plaignante a fourni suffisamment d’éléments de preuve indiquant, de façon raisonnable, qu’elle a subi un dommage en raison du présumé dumping au Canada des marchandises en cause, et que le dommage subi – en termes de perte de ventes, de compression et de gâchage des prix, de stagnation de la part de marché, de mauvais résultats financiers et de sous-utilisation de la capacité – est directement imputable à l’avantage concurrentiel des marchandises en cause sur les marchandises produites au Canada par l’effet du dumping apparent.

[139] La plaignante soutient que le dumping continu des marchandises en provenance des sources visées causera encore un dommage à la branche de production nationale à l’avenir. Comme nous l’avons vu, l’ASFC est d’avis que cette allégation de menace de dommage est raisonnablement étayée.

[140] En résumé, l’ASFC est d’avis que les renseignements contenus dans la plainte indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Conclusion

[141] À l’examen de la plainte, de ses propres documents internes sur les importations et des autres renseignements disponibles, l’ASFC est d’avis que les éléments de preuve indiquent que les tôles fortes originaires ou exportées du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de l’Allemagne, de la Malaisie, de la Corée du Sud et de la Turquie ont fait l’objet d’un dumping, et qu’il y a une indication raisonnable que ce dumping a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, le 27 mai 2020, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, elle a ouvert une enquête sur le dumping.

Portée de l’enquête

[142] L’ASFC enquête pour déterminer si les marchandises en cause ont fait l’objet d’un dumping.

[143] L’ASFC a demandé des renseignements à tous les exportateurs et importateurs potentiels afin de déterminer si les marchandises en cause importées au Canada dans la période visée par l’enquête, soit du 1er mars 2019 au 29 février 2020, étaient sous-évaluées. Les renseignements demandés serviront à établir les valeurs normales, les prix à l’exportation et les marges de dumping, s’il y a lieu. L’ASFC a aussi demandé des renseignements au gouvernement et aux exportateurs de la Turquie concernant l’existence possible d’une situation particulière du marché.

[144] Toutes les parties ont été clairement avisées des renseignements dont l’ASFC a besoin et du temps dont elles disposent pour les fournir.

Mesures à venir

[145] Le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) fera une enquête préliminaire pour décider si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping des marchandises a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Le TCCE doit rendre sa décision dans les 60 jours après l’ouverture de l’enquête; si elle est négative, il mettra fin à l’enquête.

[146] Si le TCCE constate que les éléments de preuve révèlent de façon raisonnable qu’un dommage a été causé à la branche de production nationale, et que l’enquête de l’ASFC révèle que les marchandises ont été sous-évaluées, l’ASFC rendra une décision provisoire de dumping dans les 90 jours suivant la date d’ouverture de l’enquête, c’est-à-dire au plus tard le 25 août 2020. Si les circonstances le justifient, cette période pourrait être portée à 135 jours à compter de la date d’ouverture de l’enquête.

[147] Si, avant d’avoir rendu une décision provisoire, l’ASFC acquiert la conviction que le volume de marchandises importées d’un pays est négligeable, l’article 35 de la LMSI l’obligera à mettre fin à l’enquête à l’égard des marchandises importées de ce pays.

[148] Les marchandises en cause importées et dédouanées à compter du jour de la décision provisoire de dumping, si leur description ne correspond pas à celle de marchandises dont il a été décidé que leur marge de dumping était négligeable, peuvent être frappées de droits provisoires ne dépassant pas leur marge estimative de dumping.

[149] Si l’ASFC rend une décision provisoire de dumping, elle continuera d’enquêter pour en arriver à une décision définitive dans les 90 jours après la décision provisoire.

[150] Après la décision provisoire, si son enquête révèle que les marchandises d’un exportateur donné n’ont pas été sous-évaluées par une marge de dumping non négligeable, l’ASFC exclura de son enquête en dumping les marchandises de cet exportateur.

[151] Advenant une décision définitive de dumping, le TCCE continuera son enquête et tiendra des audiences publiques sur la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale. Il aura 120 jours après la décision provisoire de l’ASFC pour rendre ses conclusions sur les marchandises auxquelles cette décision définitive s’applique.

[152] Si le TCCE rend des conclusions de dommage, les marchandises en cause importées et dédouanées après cette date seront frappées de droits antidumping équivalents à leur marge de dumping.

Droits rétroactifs sur les importations massives

[153] Lorsque le TCCE mène son enquête sur le dommage causé à la branche de production nationale, il peut se demander si les marchandises sous-évaluées importées un peu avant ou après l’ouverture de l’enquête constituent des importations massives sur une courte période ayant causé un dommage à la branche de production nationale.

[154] S’il conclut par l’affirmative, alors les importations de marchandises en cause dédouanées auprès de l’ASFC dans les 90 jours précédant la date de la décision provisoire pourraient être frappées de droits antidumping.

Engagements

[155] Après que l’ASFC a pris une décision provisoire de dumping selon laquelle la marge estimative de dumping n’est pas minimale, un exportateur peut prendre l’engagement écrit de réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage.

[156] Seuls sont acceptables les projets d’engagement qui englobent toutes les exportations ou presque de marchandises sous-évaluées vers le Canada. Après le dépôt d’un projet d’engagement, les parties intéressées ont neuf jours pour formuler leurs observations. L’ASFC tiendra une liste des parties intéressées, et les avisera des projets reçus. Quiconque souhaite être avisé doit fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique à l’un des agents dont le nom figure ci-après sous « Renseignements ».

[157] Dès l’acceptation d’un engagement, l’enquête et la perception des droits provisoires sont suspendues. Mais même alors, un exportateur peut demander que l’ASFC termine son enquête en dumping, et le TCCE, sa propre enquête en dommage.

Publication

[158] Un avis d’ouverture de la présente enquête sera publié dans la Gazette du Canada conformément au sous-alinéa 34(1)a)(ii) de la LMSI.

Renseignements

[159] Nous invitons les parties intéressées à présenter par écrit des exposés renfermant les faits, arguments et éléments de preuve qui, selon elles, ont trait au présumé dumping. Les exposés écrits doivent être envoyés à l’attention du Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI.

[160] Pour être pris en considération à cette phase de l’enquête, tous les renseignements doivent être reçus par l’ASFC au plus tard le 3 juillet 2020.

[161] Tous les renseignements présentés à l’ASFC par les parties intéressées au sujet de la présente enquête seront considérés comme publics, sauf s’ils portent clairement la mention « confidentiel ». Lorsque l’exposé d’une partie intéressée est confidentiel, une version non confidentielle de l’exposé doit être fournie en même temps. La version non confidentielle sera mise à la disposition des autres parties intéressées sur demande.

[162] Les éléments confidentiels seront communiqués sur demande écrite aux avocats indépendants des parties, contre engagement à protéger leur confidentialité. Ils pourront être communiqués également au TCCE, à toute cour canadienne, et aux groupes spéciaux de l’OMC ou de l’Accord de libre-échange nord-américain pour le règlement des différends. Pour en savoir plus sur la politique de l’ASFC concernant la communication de renseignements au titre de la LMSI, on pourra communiquer avec l’un des agents dont le nom figure ci-après ou bien visiter le site Web de l’ASFC.

[163] Le calendrier de l’enquête et une liste complète des pièces justificatives se trouvent en ligne à l’adresse www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/menu-fra.html. La liste sera tenue à jour.

[164] Le présent Énoncé des motifs a été fourni aux personnes directement intéressées par la procédure; il est disponible également sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Pour de plus amples renseignements, on communiquera avec les agents dont le nom figure ci-après :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
11-100 rue Metcalfe
Ottawa ON  K1A 0L8

  • Téléphone:
  • Serena Major : 613-948-8581
  • Shawn Ryan : 902-943-1849

Courriel: simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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